Récit à venir dès que possible
(suite du voyage en 2014)
0 Commentaires
![]() Là, je ne comprends plus rien. Je croyais qu’on rentrait dans une mosquée ? mais en fait, on se retrouve à l’air libre, dans une grande cour de marbre blanc, avec plein de cloisons complexes de marbre ajouré, qui dessinent comme un parcours…. La nuit est tombée, l’éclairage est minimaliste. Il y a une foule de personnes, hommes, femmes, enfants, assis par terre ou déambulants dans tous les sens. Ca parle, ça chante, ça prie… J’avance toujours en rêve, pieds nus sur le marbre lisse. Il fait doux. Malgré le chaos apparent, ce qui me frappe le plus, c’est une impression générale de cohérence et de calme. Tout est fluide, les mouvements sont lents et mesurés, comme si une eau étrange remplissait tout l’espace. Ma parole, c’est saturé de Chi , ici ! Constanza nous guide toujours comme un poisson pilote. Nous progressons à un rythme de procession, en suivant la foule dans une espère de sens giratoire autour du mausolée central. J’apprends qu’il abrite le tombeau du Saint ( quel saint au fait ? J’avoue à ma grande honte que je ne sais toujours pas…), et que cet espace est interdit aux femmes. Certaines sont là, autour de nous, assises en tailleur au sol, dignes comme des reines avec leurs saris colorés. Les enfants jouent, courent après un chat, têtent au sein sous les habits, dorment dans un giron ou sur un bras…certains , faméliques, tendent la main et mendient quelque chose en nous voyant arriver. Ils ont tous des corps tellement libres, tellement souples et naturels dans leurs postures. Quelle différence avec notre rigidité d’occidentaux. Nous avançons toujours, pour déboucher sur un plus grand espace, où des centaines de personnes sont assis sur des tapis/tissus, autour d’une scène vide. Ah ! c’est là que le spectacle va avoir lieu ? J’imagine déjà les danseurs derviches, tournoyant avec leur robes blanches…Nous nous faufilons pour trouver une place, dans un coin encore un peu libre. Les hommes s’écartent, toujours pour ne pas nous toucher (c’est commode :). Là-bas, dans l’ombre, derrière une des cloisons de marbre ajouré, il se passe des choses étranges. Constanza est comme attirée, hyptnotisée. Elle nous avait parlé de ce qu’elle avait vu lors de sa précédente visite : ces femmes comme possédées, se tapant la tête contre les murs ou hurlant avec des gestes incohérents. Nous aperçevons en passant une jeune femme qui semble en crise d’épilepsie, portée par d’autres…Constanza voudrait s’approcher. Je l’en dissuade : je ne sais pas pourquoi, mais il me semble que ce qui se passe là nous dépasse. Je sens que ce n’est pas un truc à prendre à la légère, ou à regarder comme un spectacle. Nous avançons encore de quelques mètres, il y a des places libres…Constanza et Ievgenia s’assoient….je vois un petit parapet, comme une marche en marbre le long d’une des cloisons : « super, là je vais être bien assise et je verrais mieux ! ». Mais sitôt installée, je me fais reprendre par les hommes autour. Je ne comprends pas, mais ils me font signe avec les mains que je dois m’asseoir par terre. ( Je découvrirai plus tard, à Dhaulchina, en ouvrant par hasard un livre de Jacques Vigne sur la spiritualité en Inde que ces rassemblements soufis font l’objet de règles très précises..Et que , notamment, chacun doit être assis pas terre, au même niveau sans distinction d’aucune sorte! Même les chanteurs ! C’est pour ça que je n’avais pas vu qu’ils étaient déjà installés). Bon OK, je me décale, et je me trouve une toute petite place à coté de deux femmes. Ma voisine me fait un beau sourire et un geste invitant pour que je m’installe mieux. Elle écoute religieusement. Et là, je me rends compte que les chants ont déjà commencé !! Pas de derviches tourneurs, rien de « folklorique »….Mais une dizaine de musiciens et chanteurs, assis en tailleur au sol au bord de l’espace central qui reste vide. Et leur chant monte, étrange, un peu déroutant pour mon oreille peu habituée aux harmoniques orientales. C’est fort. Mais j’avoue que je n’ai pas prêté assez attention, et que je ne suis pas sure d’avoir vraiment bien écouté ( Désolée Anne, désolée Marion, vous auriez mieux apprécié que moi !Mais j’ai acheté un CD en sortant, je pourrais vous envoyer les MP3…). Parce que j’ai un peu parlé avec ma voisine .… Ca commence par les questions habituelles : « where are you from ? What do you do in your country ?What’s your name? etc.. » Et puis, très vite, la conversation prend un tournant inattendu. Nimisha a mon age. Elle est habillée avec élégance, avec une kurta, des bijoux modernes, un maquillage qui la met en valeur discrètement. Célibataire, hindi, et non pas musulmane, (ce qui m’étonne dans ce contexte !), elle n’entre pas bien dans les cadres de la société indienne…et son métier ? …Elle est guérisseuse. Elle m’explique qu’elle reçoit les gens en consultation pour différents problèmes. Elle fait appel aux énergies des anges et à des visualisations de couleurs pour travailler en magnétisme. Et là…pardonnez-moi, peut-être certain.e.s d’entre vous vont avoir du mal avec ce qui suit…. Mais j’ai juste halluciné. Dans le quart d’heure qui a suivi, sans que je lui demande rien, NImisha m’a parlé de son métier, avec une modestie et une justesse qui ne trompent pas. Et elle utilisait les mêmes termes, les mêmes images, les mêmes références …Qu’une autre personne que j’ai rencontrée cet été en Belgique !!! Et que bien d’autres de par le monde, maintenant, j’en suis persuadée. J’avais tant de questions à lui poser ! Et les échanges étaient si naturels, si fluides, comme si on se connaissait depuis toujours. Là, j’ai eu l’impression de recevoir quelques messages forts que je n’oublierai pas : « nous sommes tous capables d’être guérisseurs, c’est juste une question de confiance et d’ouverture… Et il y a mille façons d’utiliser cette énergie, pas forcément pour guérir des maladies, mais pour contribuer à mettre plus d’amour et de lumière sur Terre, partout, à commencer par là où on est, dans nos vies… ». Ces conseils sont précis, et font référence à des choses que je connais déjà un peu. C’est juste improbable, ici, au cœur de l’Inde, dans un haut lieu d’une spiritualité étrangère dont j’ignore tout !! Comment croire au hasard ? Et puis, elle me demande si je suis mariée. Je lui explique en quelques mots que oui, mais que c’est peut-être fini, que mon mari a décidé de me quitter et que je suis très triste. NImisha me fait un grand sourire, et me répond : « alors je vais prier pour toi…». Elle, n’est pas mariée. Elle soupire depuis des années pour l’un des chanteurs soufis qui est là ce soir….elle me montre sa silhouette..nous écoutons sa voix, ensemble, en silence… Ce n’est pas facile pour une fille Hindi d’aimer un musulman. Je suis touchée par ces confidences si spontanées, entre femmes. Mais la situation est complètement irréelle, comme si j’étais dans un rêve ! A un moment, la voisine de Nimisha commence à être parcourue de tressautements, comme si elle avait le hoquet, puis de plus en plus fort, jusqu’à entrer franchement en transe, toujours assise. Je suis un peu perplexe, je demande à Nimisha si tout va bien ? Elle m’explique que c’est normal, c’est un des effets des chants. Qu’il ne faut pas intervenir, que cette femme est en train de « recevoir un message ». Et que ça lui est déjà arrivée , à elle, Nimisha, et que c’est comme un état d’hypnose. Je lui demande alors ce qui se passe avec les femmes dans l’ombre, là-bas. Je lui dis mon impression de « darkness », quelque chose de lourd. Elle confirme : ce sont des exorcismes. Les gens viennent de très loin pour recevoir ces « soins » et se faire libérer par le Saint de quelque ombre ou possession (bon, je reconnais que là, ça devient franchement difficile à entendre pour nous, occidentaux….mais là-bas, c’est juste logique). Je ressens une étrange joie à être assise là, à coté d’elle. Sa simple présence crée un sentiment de sécurité et d’accueil, comme si elle venait traduire pour moi cet univers culturel étrange ?! Après un certain temps en silence, Nimisha me dit qu’elle doit partir. Elle commence à se lever..Et là, je vois son sac à main. Bleu. Bleu lumineux. En cuir. Presque exactement comme le mien, resté là-bas, à Lyon ! C’est drôle quand même, ce n‘est pas un modèle courant. Je lui dis. Elle me fait un de ses grands sourires et conclue « Alors, c’est que nous sommes sœurs ! » Elle fait un geste en direction du mausolée et ajoute "C'est Lui qui a voulu qu'on se rencontre". On se prend dans les bras, et on se promet mutuellement de prier l’une pour l’autre. Deux secondes après, Nimisha a disparu. Je ne l’ai pas vue partir. Soudain, les chants s’arrêtent. Les musiciens se lèvent, la foule a commence à s’agiter. Je retrouve Ievgenia et Constanza, toujours comme dans une étrange brume d’irréel. Elles me demandent ce que m’a raconté ma voisine : « vous aviez l’air en grande conversation ! »…heu…comment dire…je botte en touche J. Je leur raconte quand même pour les exorcismes. Et nous reprenons le chemin de la sortie. Désorientée, Constanza nous emmène par une autre porte du labyrinthe. Je lui fait remarquer que si nous voulons retrouver nos chaussures, ce n’est pas par là ! Demi-tour…on récupère bien les chaussures moyennant 30 Rs de pourboire..et on sort, à la recherche de Bradt Pitt ! (Au passage, j’achète un CD pour garder un souvenir de cette soirée inoubliable.)Mais impossible de retrouver l’échoppe de confiseries dont Constanza avait le souvenir. Je lui demande si elle est sure que c’était par là ? C’est que tout se ressemble, ici. Je lui propose de reprendre le chemin qu’elle avait spontannément choisi après les chants. Zou ! demi-tour vers l’esplanade centrale. Sandales à la main, nous faisons la sourde oreille aux cris horrifiés des « gardiens » qui veulent nous piquer nos chaussures : « forbiden ! no shoes ». OK, ok, on les mets dans nos sacs à main ( ! oui, bonjour l’hygiène..mais on n’est plus à ça près J). Et on prends l’autre porte du labyrinthe. Ca devient encore plus surréaliste..nous suivons les pélerins dans un dédale de couloirs étroits, toujours pieds nus sur le marbre…Il y a là des malades, des femmes avec des enfants, des personnes agées. Assises par terre le long du mur dans le couloir, elles semblent prêtes à attendre des heures, dans un grand calme silencieux. Nous apercevons une pièce avec un groupe d’hommes en robes, coifés de toque en tissus…des imams soufis ? Ca psalmodie, ça chante. L’un d’eux a une longue barbe blanche, ça a l’air d’être le big boss ? Je devine que les gens dans le couloir c’est un peu la file d’attente. Mais qu’est-ce qu’ils attendent ? Une bénédiction ? Un soin ? D’aller voir le tombeau du Saint ? Je ne saurais jamais… Nous débouchons à l’air libre, dans une autre ruelle pleine d’échoppes de beignets et de pétales de roses. Et là, ça y est, Constanza identifie le coin de rue de son souvenir ! Mais point de Bradt Pitt. Elle est déçue…On prend quand même une photo souvenir…Elle saura retrouver l’endroit la prochaine fois. Nous rentrons en Rikschaw à Bed and Chaï. Nous sommes toutes les trois émues et habitées des souvenirs de cette étrange soirée. Je remercie chaleureusement Constanza. C’était le 4 septembre au soir. Plus tard, je repenserai à ces mots, entendus pour la première fois sur les glaciers des Alpes, pendant le parcours glaciaire de Chamonix-Zermatt : «Mieux que tous les hasards, c’était un rendez-vous ». Oui, je crois que j’avais rendez-vous avec Nimisha, même si je ne le savais pas. Ce soir-là, les portes de Nizzamuddin Dargah se sont ouvertes pour me laisser entre-apercevoir une Inde mythique, dont les racines sont profondes, très profondes. Universelles ? Et le lendemain, j’ai pris mon train à la première heure pour Dhaulchina. ...A suivre ! Envie de partager en retour ? Vos commentaires seront lus avec le coeur ! Clic ci-dessous : Le lendemain soir, dès 18h, nous reprenons un Rickshaw vers le quartier musulman de Delhi. En chemin, Constanza nous fait part de son secret… Ce n’est pas sa première visite à la mosquée-tombeau du grand Saint. Elle en connait bien les coutumes. Elle nous raconte comment, la première fois qu’elle est venue ici, en sortant du labyrinthe de ruelles qui entoure le lieu saint, elle est tombée nez à nez avec un homme « beau comme Brad Pitt avec des cheveux blancs». Elle nous explique un peu gênée qu’elle est restée comme hypnotisée, incapable de lui parler, super émue, et que ce n’était pas à cause de son physique, et qu’elle ne comprends pas ce qui s’est passé, mais qu’elle voudrait vraiment le revoir. Elle a déjà essayé plusieurs fois, mais elle n’est jamais arrivée à retrouver son échoppe de confiseries dans le labyrinthe. Ah là là…les rencontres karmiques J Et oui, on est en Inde. Ici, la réincarnation ça existe, et c’est juste normal de se recroiser dans la rue d’une vie à l’autre. Mais Nizzamuddin, ce n’est pas un quartier où il fait bon se promener seule quand on est étrangère, même pour une Constanza. Elle est contente de nous avoir trouvées pour y aller. Ievgenia est partante aussi pour l’aventure, avec un bon sens concret et solide imperturbable. Et moi, je ne me dis plus rien du tout, je me sens juste embarquée par un flot qui me dépasse…paradoxalement, je me sens complètement en sécurité, comme si mon pauvre foulard drapé sur la tête et les épaules était une bulle de protection! Nous voilà à l’entrée du labyrinthe. On change de monde, on rentre en Orient : Les ruelles hyper étroites s’entrecroisent, avec des échoppes improbables : chaussures, beignets au miel, pain-galette chapati cuit dans la rue, billets pour la Mecque ( !), vendeur de CD et de livres saints, parfumeurs ( !! Ce sont des hommes qui vendent les parfums, et les boutiques ressemblent à des bijouteries de cristal..). On est fascinées comme au spectacle. L’avantage ici, c’est que le tabou religieux du contact physique avec les femmes est très fort. Les hommes font des détours pour ne pas risquer de nous toucher au passage. C’est rassurant : dans ces rues-là, on ne craint rien. C’est une drôle d’expérience de voir les gens s’écarter sans même nous regarder. On avance un peu au hasard, en suivant le mouvement général, et on finit par arriver dans l’antichambre du saint des saints. C’est le fief des marchands du temple : offrandes de sucre, plateaux de roses, guirlandes de fleurs en plastique…J’ai l’impression que le plafond des ruelles s’est refermé sur nos têtes. Il règne une drôle de lumière, comme dans un souk, avec du doré partout, un brouhaha de foule. Ca embaume l’essence de rose. J’avance en apesanteur, sans lâcher Constanza d’une semelle. Pas un instant je n’ai peur, mais mon cerveau est comme débranché. J’ai presque envie de me pincer moi-même pour vérifier que ce n’est pas un rêve : « qu’est-ce que je fais là ? c’est complètement surréaliste ». Nous approchons du centre du labyrinthe. La foule se fait recueillie, avec un rythme plus lent, posé. Il est interdit de rentrer avec ses chaussures, comme pour une mosquée. Nous laissons donc nos trois paires de sandales aux préposés « à la surveillance »…sorte de consigne informelle où les paires de chaussures en tout genre sont artistiquement empilées. (J’espère qu’on les retrouvera bien à la sortie ?).
Nous voila enfin au cœur de Nizzamuddin Dargah. A suivre.. En reprenant l’avion depuis Leh, laissant derrière moi le Ladakh, j’avais le cœur gros... Derniers « Juley », derniers symboles bouddhistes dans le hall de l’aéroport…dernier regard sur les collines rouges embrumées. Pas de chance au retour, les hauts sommets sont restés invisibles sous la mer de nuages. Je me promets à moi-même de revenir. J’ai vraiment aimé ce pays de montagnes, de soleil et de sourires. Et revoilà Delhi. Il fait toujours aussi chaud, et aussi humide. Mais je suis moins perdue et moins dépaysée. Je retrouve Arun, le chauffeur de taxi, avec sa grosse moustache et sa bienveillance attentive, et toute l’équipe de "la Guest house à la théière rose". Il faut dire que Bed&Chaï, c’est un peu la « familia «, : un cocon confortable et sécure, qui sert de camp de repos aux touristes français en transit dans le maelström indien. C’est petit, mais je savoure le luxe : une chambre personnelle climatisée, une connexion wifi, de l’eau filtrée à volonté, une cuisine maison savoureuse et simple, et surtout, des relations humaines chaleureuses, sans obséquiosité et en totale confiance. Pour moi, ça compte beaucoup. Le tout me coute environ 25 euros par jour. Oui, c’est très cher pour l’Inde, mais tant pis. C’est ma limite personnelle…le homestay au fin fond du Ladakh, c’est OK, mais la tourista dans un hôtel louche à Delhi, je préfère éviter :) Sitôt installée, après une bonne douche, et je rejoins la cuisine pour me faire un thé…Tiens y’a de nouvelles têtes. Bonjour. Bonjour… »where are you from ? How long have you been in India ? » etc. La routine, quoi. Je ne m’attends pas à grand-chose, mais c’est toujours sympa et puis je suis d’humeur sociable. C’était sans compter sur la magie de Bed&Chai ! Ievgenia est ukrainienne. Elle fait ses études en France et a choisi de faire son stage d’Ecole de marketing …en Inde, à Bed& Chaï…si. Elle vient d’arriver il y a deux jours. De son coté, Constanza est franco-italieno-américaine, actuellement en Inde pour sa thèse…qui porte sur « l’impact du réchauffement climatique et des nouveaux barrages sur le régime des crues alluviales du Brahmapoutre » ! Si, si. Et c’est passionnant. Elle revient de 2 semaines de mission sur le terrain et cherche visiblement de la compagnie. Elle a trouvé bon public, je ne me lasse pas de la questionner sur les enjeux socio-politico-agricoles de sa recherche. De mon coté, je leur raconte bien sur le Ladakh en long, en large et en couleurs. Bref, trois heures plus tard, on est toujours dans la cuisine à parler à bâtons rompus, avec les mains, à l’italienne. Constanza nous propose son expérience de guide pour quelques sorties dans Delhi. Chic alors. Et voila notre improbable trio de choc en route pour « Khan Market ». Pour moi, c’est la première sortie en rickshaw, première plongée en Inde, la vraie… De la petite cabine jaune et verte cahotante, protégée de la pluie par le toit , mais ouverte à tous les courants d’air, j’ai l’impression d’entrer en scaphandre dans un espace-temps particulier. J’ouvre grand mes yeux et mes oreilles, et je plonge dans ce nouvel univers, comme dans un rêve. Ce qui domine, c’est la cacophonie des klaxons. Comme un bruit de fond permanent, signature sonore du fleuve de véhicules qui se faufilent, se croisent, se doublent en slalom, dans un chaos étrangement fluide. Ici, il FAUT klaxonner. On est en tort sinon.Et c’est le plus décidé qui passe : tout se joue à la confiance en soi et au gabarit. Serrées à trois à l’arrière de notre petit rickshaw sur le périphérique, qui tressaute et tousse avec son moteur à deux temps, entouré de voitures « normales » et de mercédès flambantes neuves, j’ai une pensée pour Harry Potter. Je ne sais pas si vous avez vu ce passage où le bus magique s’aplatit dans une autre dimension pour passer les files de voitures à contre-sens ? Bref, c’est un peu ça. Les chauffeurs sont tous des magiciens. (Ils n’ont pas de permis de conduire, certes, mais ce détail est compensé par une dextérité incroyable…je n’ose pas me demander quel est le taux de sélection naturelle la première année de pratique ???). Pour avoir la bande son complète du film il faut rajouter tout un tas de cris divers, de meuglement de vaches, d’appels, de musique et de sonneries de portables ( tout le monde est équipé ici, même les plus pauvres. Mon vieux Nokia fait figure d’antiquité préhistorique). Dans cette jungle, on croise sans transition : des femmes en saris colorés, des enfants mendiants à chaque feu rouge, des étals de mangues et de paquets de chips (la junk food en Inde, c'est tout un poème chimique !), des badauds qui semblent assis sur le trottoir à rien faire de la journée, des voitures de luxe, des vaches et des chiens errants, des arbres magnifiques, des tas de fer à béton en vrac…C’est un concentré d’absurde et de grande logique en même temps. Le tout sous un crachin de pluie presque chaude. Bref, c’est Delhi. Je suis dans un drôle d’état second : tout me semble normal, rien ne m’étonne, rien ne me choque, comme si j’avais déjà connu ça toute ma vie. Mais pas au point d’être autonome quand même. Je suis bien heureuse de la présence de Constanza, qui négocie ferme les prix avec le chauffeur et nous pilote dans le quartier de Khan Market avec un aplomb impitoyable digne de la Reine d’Angleterre. Je n’ose pas encore prendre de photos dans la rue…Demain peut-être ? De retour à Bed&Chai, quelques papotages entre filles plus tard ( on s’est raconté nos vies…), Constanza nous propose : « Demain soir, il y a des chants soufis à NIzzamuddin Dargah, ça vous dit qu’on y aille ?". Or, un mois avant, en randonnée dans le Queyras, Selim m’avait parlé de chants soufis à Delhi, en me disant d’y aller absolument si je pouvais. Mais je n’aurais jamais imaginé que ce soit possible, et surtout, je n’y serais jamais allée seule. Quelle chance !
Clara, la gérante de Bed&Chai, tente vaguement de nous décourager : « ils n’aiment pas les touristes, prenez bien un foulard et faites attention les filles.. ». Mais il en faut plus pour effrayer Constanza et pour me dissuader de tenter l’aventure. Le rendez-vous est pris : demain soir, on va voir Nizzamuddin Dargah. Aucune idée de ce qui m’attend, mais juste ces deux mots magiques « chants soufis », je sais qu’il faut que j’y aille. A suivre.. PS : Pizzéria chic dans Khan Market..Constanza était en manque d’Italie. Dans ma vie, il y a eu la Nouvelle Zélande, le "Pays du Long Nuage Blanc"... maintenant, il y a le Ladakh, le "Pays des Hauts Passages". C'est comme ça qu'on dit là bas. Et c'est tellement vrai!
Me voila de retour à Delhi, après 20 jours de "plongée ladakhi". C'était incroyablement ressourçant pour moi. Un grand plein de soleil, d'énergie tellurique, de couleurs et de sourires pour recharger les batteries. Un coup de cœur aussi, pour ce pays et ses habitants. Je crois que l'histoire ne va pas s'arrêter là... D'abord, il y a Leh. Contrairement à tout ce qu'on avait pu me dire, j'ai adoré cette petite ville. Avec toute sa pollution, sa poussière, son grand bazar...mais aussi ses jardins cachés, ses petits coins sympas, et surtout..ses boutiques temptatrices ! A la fin du séjour, je me sentais vraiment chez moi et j'ai eu du mal à partir. Et puis...les treks... J'ai commencé par 4 quatre jours sur la planète Mars, avec le Sham trek ( ou "baby trek", parce que c'est le plus facile :). Sous un soleil impitoyable qui envoyait tous ses UV, nous avons marché d'oasis en oasis, avec mes deux guides de Ladakhi Women Travel Company. Une chouette entrée dans le pays et le quotidien des villages. Ensuite, j'ai savouré les 9 jours du Markha Valley trek. Sur mesure, en prenant le temps, avec de gentilles étapes. Mais on a quand même passé deux "High Passes", et j'en garde un souvenir ébloui.Chaque étape nous a réservé son lot de surprises, de rencontres, de petits détails, de magnifiques paysages.Je n'avais rien d'autre à faire que marcher ( un peu , quand même - entre 5 et 7 h par jour), savourer, manger, boire du thé, savourer, dessiner, manger, boire du thé... et dormir. La belle vie, quoi ! Et puis, il y a aussi tout ce que j'ai découvert sur le Ladakh et l'Ecologie. Si. Je me suis faite rattraper par le boulot. Et j'ai été bluffée. J'étais à Leh juste le jour d'une TEDx conférence avec des acteurs locaux du développement durable. Après ça, j'ai fait ma petite enquête de mon coté, tout simplement en ouvrant mes yeux et mes oreilles et en posant pas mal de questions. Il y a définitivement un "truc" au Ladakh ! Je crois qu'on a pas mal de choses à apprendre d'eux sur ce plan là. Et moi en particulier. Enfin, il y a autre chose. Quelque chose qui ne se voit pas forcément sur les photos. Ou plutôt si, avec la profusion de monastères, les "mani-walls" à l'entrée de chaque village les drapeaux colorés qui flottent partout...C'est vraiment un pays tout imprégné de spiritualité. Considéré comme un haut lieu de la tradition bouddhiste,le Ladakh est vraiment un de ces déserts du monde où le Ciel est un peu plus près de nous..ça capte bien là-haut. Bref, c'était très dense. Je préfère vous raconter tout ça tranquillement à mon retour. Un feuilleton post-rentrée, pour mettre un peu de "tsampa" dans vos soirées d'automne, ça vous dit ? En attendant, voici un échantillon de photos pour vous donner les couleurs. Sourire d'un enfant, les yeux grands ouverts sur les géants du monde. Miracle de vie dans un désert de pierres... fragile espoir d'un Autre chemin ? Les dieux sont toujours là, ils gardent le passage. Je vous embrasse tous et toutes et je vous envoie un grand rayon de belles énergies pour la rentrée... Lara Envie de partager en retour ? Vos commentaires seront lus avec le coeur ! Clic ci-dessous , après les photos : Me voila depuis 2 jours a Leh...
Je prends mon temps. Je n'ai eu aucun effet de l'altitude, a part un peu de mal de tete le premier jour et une fatigue immense de marmotte lethargique, mais j'ai choisi de m'ecouter et d'aller a mon rythme...Premier apres-midi passe a peindre dans le jardin de ma guest house ( post detaille a venir !)...deuxieme journee a explorer les quelques rues de Leh ( Mais j'ai fait ca bien !! de decouvertes en explorations, de shopping en papotage ,j'ai vraiment pris un bain local...tout semble facile ici) Impossible d'ecrire longuement , le cybercafe ne s'y prete pas vraiment. Mais je voulais partager avec vous ce qui flotte en moi comme une drole de musique : un vrai gout de bonheur. Le sourire et la gentillesse des Ladakhi (ce n'est pas un mythe, Anne-Sophie avait raison, comme toujours :), la lumiere si forte...les montagnes a l'horizon (Oh oui, ca compte...)...et puis le bonheur de trouver tant de resonnances et de saveurs aux petites choses du quotidien.Ca chante en moi, et ca me prends par surprise a mille petits details : le sourire chaleureux et le the a la menthe offert a l'instant par la proprietaire de ce cybercafe...le temoignage bouleversant d,une autre femme qui raconte son engagement pour la preservation ecologique de la vallee...la vue des montagnes de ma fenetre au petit jour a 6h...le delicieux riz au lait aux epices que m'apporte le serveur hier soir (apres 20mn d'attente je commencais a raler , je n'avais pas compris qu'il etait cuisine tout chaud a la demande ! c'etait le meilleur riz au lait que j'ai jamais mange :) ...Et tellement de clins d'oeil : trouver un livre de Sylvain Tesson dans la boutique ecolo locale ( Post detaille a venir sur cette boutique lorsque je serai rentree a Delhi), voir une afiche pour un cours de Reiki dans la rue ! rencontrer au petit dejeuner de la guest House une ex-chercheuse en Neuro de la fac de Montpellier (si)... Je savoure chaque moment et chaque surprise comme un cadeau de la vie. Oui, la ville de Leh est un chantier permanent et chaotique....Oui, on est bien en Inde...oui, la poussiere est omnipresente et les conditions materielles locales sont difficiles ( J'ai vu des femmes faire leur lessive dans le cours d'eau jonche de detritus qui traverse la ville..)...Oui, on est dans un oasis de vie et de prosperite au milieu d'un immense desert mineral...Mais aujourd'hui, je savoure juste le bonheur de decouvrir tout cela et d'y trouver ma place , le coeur rempli de gratitude. Demain je monte voir a quoi ca ressemble vu de la-haut. Et apres-demain, depart pour le Sham Trek. A suivre... Namasté !
Et voila : J1 du voyage...Arrivée à New Delhi, avec quelques heures de sommeil seulement depuis 2 Jours, je me sens en pleine forme.Etrange sensation d'être à la fois très dépaysée, et comme si j'étais restée à la maison en même temps ? Peut-être ne suis-je pas encore complètement arrivée, il doit rester des bouts de moi en route ... Je profite de la connection illimitée pour partager avec vous quelques instantanés : Une translation surréaliste Partir seule depuis chez soi, sac au dos, et franchir autant de distance en si peu de temps, c'est grisant..Surréaliste. J'avais oublié. Je ne l'ai pas vécu si souvent, mais à chaque fois, c'est comme un choc physiologique ( si on compare aux voyages à pied ou à vélo). Le coté irréel est accentué par la connexion numérique omniprésente. Il devient difficile d'y échapper ( la preuve, je suis sur ce blog :). Tout cela combiné au manque de sommeil donne une étrange sensation d'être ici et ...pas encore vraiment "ici" ! L'unité va surement se faire au fil des jours... Premier "bain" L'instant où je suis sortie de l'aéroport....comment décrire? C'est pour moi comme une rencontre. L'instant du premier vrai contact sensoriel avec le pays. Pour ce premier contact avec l'Inde, j'ai eu l'impression de rentrer dans eau invisible, très dense. A la fois à cause de la chaleur et de l'humidité ambiante ( et de la pollution). Mais aussi plus profondément, comme si tout était au ralenti, les vibrations absorbées ? J'ai bien aimé ça. Et aussi le vert luxuriant de la végétation. Bref, une impression générale dominante d'un grand bain de "Vert et Jaune" !! Hum. Non, je n'ai rien fumé :) Peut-être Est-ce aussi lié à la fatigue et au manque de sommeil? Par contre, je me souviens de certains avertissements et des récits apocalyptiques de l'arrivée à Delhi. J'ai du avoir de la chance, tout s'est passé de façon "fluide". J'étais vraiment dans l'élément aquatique ce matin ! L'essentiel... Boire de l'eau potable, fraiche, filtrée...ici c'est un luxe. La Guest House est équipée d'une fontaine où on peut se servir à volonté. Je mesure cette chance et j'en profite avant le Ladakh. En pour finir : La gourmande que je suis s'est régalée ce soir d'un riz aux légumes, nan et sauce crémeuse au fromage et petits pois , concoctés maison. Hum, pour ça, je vais aimer l'Inde. Et peut-être réussir à reprendre des kilos, qui sait ? :) Blague à part, la réalité de la survie est dure ici : femmes en enfants mendient à tous les carrefours. A cela aussi il va falloir s'habituer? "Clic, billet réservé"...Bon OK. Et après ??
Après, j'ai suivi les étoiles sur la route. Et surtout écouté mon envie profonde de temps et d'espace. L' "Himalayinde" réelle sera certainement très différente de l'image que je m'en fais avant le départ. Mais pour l'instant, voici le programme du voyage :
...le temps de faire un sas avant le dépaysement total :)
J'ai finalement choisi un petit trek de 4 jours ( Sham Trek), un retour pour une pause à Leh ( ce qui permet une porte de sortie si je ne suis pas assez en forme), et un deuxième trek de 9 jours (Markha Valley). Le temps fort de cette marche , passage d'un col à 5200m...mais rassurez-vous, là-bas, les cols à 5000, c'est un chemin dans les cailloux, il est probable qu'il n'y ait pas de neige :) + 2 jours de pause à Leh, pour récupérer, flaner, savourer...
Hum.Je ne sais pas très bien, en fait. Tout s'est décidé sur un coup de tête, à minuit passé, à la lumière d'une bougie, en dinant dans le jardin d'une amie. Je refusais d'envisager un voyage. Mon argument massue : "Ce serait une fuite". Et sa réponse souriante m'a prise de cours : " Et pourquoi pas ? Et pourquoi ne pas tout lâcher, justement ?". "Ah-ah". Vu comme ça... Et Marie de continuer : "Imagine: tu pars en Inde, par exemple. Tu atterris à New Delhi, et puis tu prends le train, pendant des heures, à travers le pays....jusqu'aux montagnes de Darjeeling. Tu arrives au petit matin, dans les brumes, face aux montagnes avec les champs en terrasse, verts émeraude....Tu trouves un guest-house accueillant. Et là tu t'installes pour boire le meilleur thé du monde." Re "Ah-ah." " Bon, et surtout, tu prends ton temps, tu profites. Tu n'est pas obligé de jouer les touristes. Tu viens là, juste pour toi, pour te retrouver, loin de Lyon. Et au passage, hein, tu penses à me ramener un peu du meilleur thé du monde quand tu rentreras, bien sur." OK Marie. C'est irrésistible. Tu as gagné. Je vais partir. Mais pourquoi l'Inde, alors ? Parce que Marie a mis juste le doigt dessus sans le savoir... L'Inde est le pays qui m'intimide le plus depuis des années.Comme si j'avais peur du "passage" qui m'attendait là-bas...Peur d'un changement qui me dépasse ? OK. Va pour l'Inde. C'est maintenant ou jamais. Je n'ai plus rien à perdre, au contraire. J'ai la chance (?) de ne pas avoir de travail prévu en aout et septembre. Je me suis dit : "C'est un signe" ! Deux heures après, j'étais sur internet , à chercher tout ce que je pouvais trouver sur les voyages en Inde. J'ai découvert que c'était la Mousson à cette période, et que seul le Ladakh y échappait à cette période. Va pour les montagnes. Deux jours après, j'avais les grandes lignes d'un programme sur mesure, aussi fou que motivant. Une semaine après, j'avais miraculeusement pris contact avec les personnes que je cherchais à joindre. Et d'un clic, j'ai réservé mon billet d'avion ! C'est comme ça que j'ai décidé de partir marcher vers l'Himalaya, pour y déposer ma peine... Et vivre plus fort le temps de ce voyage, vivre au coeur de l'espace ... dans l'espace du coeur. Merci Marie pour cette belle soirée divinement inspirée :) La Plume est à vous ...
|
Un Oiseau Bleu en HimalayindeJe suis partie en Inde en 2014, en plein cœur d’une tempête personnelle. Voici quelques morceaux de récit écrits en direct depuis le Ladakh et New Delhi. Ce fabuleux voyage a été un cadeau de la vie inoubliable. Mais je n’ai jamais mis à jour ces pages. Peut-être le ferais-je cet automne ? Archives
Mai 2022
Categories |