J’ai un jour de pause avant de reprendre mon trajet en train pour Findhorn. J’en profite pour visiter le « Scone Palace », site sacré du couronnement des Rois d’Ecosse. Je ne m’attendais pas à plonger dans un tel univers mythique, digne de Terry Pratchett et de Game of Thrones. L’histoire d’Ecosse est profondément marquée par les évènements qui ont eu lieu au fil des siècles, autour de l’abbaye de Scone. Une pierre sacrée des peuples Pictes, « the Stone of Scone », a été symboliquement choisie comme autel de couronnement pour les premiers rois Scots vers les années 500 ap. JC. Son aura mythique et spirituelle en fait un objet de grande importance stratégique au fil de siècles. Les batailles et les massacres se succèdent, jusqu’en 1296 où le roi Edward I d’Angleterre , vainqueur sur les Ecossais, la fait déplacer en tant que prise de guerre à l’abbaye de Westminster. Elle est alors renommée Pierre de la Destinée, et enchâssée dans un trône de bois. Tous les rois et reines d’Angleterre seront couronnés sur ce siège mythique, jusqu’à Elisabeth II. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En 1950 un groupe d’étudiants écossais parvient à subtiliser la Pierre et à la rapatrier en Ecosse. Scandale, chasse-poursuite avec la police. La pierre est abimée, puis réparée, perdue et enfin ramenée à Westminster. Et là, coup de théâtre lorsque les experts lapidaires fournissent leur rapport : la pierre retrouvée ne serait pas la pierre originaire de Scone ! Il y aurait eu substitution. Mais quand, et par qui ??? Aujourd’hui encore le mystère reste entier. C’est du pain béni pour les guides du château. Il faut les voir (en jupe écossaise), baisser théâtralement la voix avec des mimiques de conspiratrices , pour raconter aux visiteurs du Scone Palace que « la VRAIE pierre sacrée d’Ecosse serait toujours ici, dans un lieu secret connu seulement des moines». Les Scots auraient-ils caché leur trésor, livrant à Edward I une simple copie ? … (« copie » qui aurait quand même été chargée de 800 ans d’histoire d’Angleterre par la suite, ce n’est pas rien :) Bref, je ris toute seule en découvrant que le plus délirant des romans de Terry Pratchett avec son « scone sacré » du peuple nain est en fait une pâle copie de l’Histoire réelle !! Le parc et les arbres remarquables autour du château sont magnifiques. Le bâtiment -entièrement rasé depuis la grande époque et reconstruit au 19eme siècle - comporte tout de même de belles collections historiques. L’abbaye est charmante, les paons ont laissé des plumes bleues très tentantes sur les pelouses. Je déjeune d’un moëlleux scone au fromage (obligé) dans le Coffee Shop du château. Mais ce qui m’a le plus marquée, je vous l’avoue, c’est le labyrinthe. Le labyrinthe symbolique de Murray Ce labyrinthe végétal est composé de haies touffues de hêtres verts et de hêtres pourpres entremêlées. Lorsqu’on s’engage dans les allées étroites et hautes, on ne voit plus que le ciel et les murs de feuilles. ll y a vraiment de quoi y passer un moment. Au centre, glougloute une fontaine avec sa nymphe de bronze. C’est l’objectif à atteindre. Dès les premiers pas, la tentation est grande de suivre le bruit de l’eau et de se rapprocher du centre. Erreur… ceux qui font ce choix se retrouvent piégés dans une zone sans issues - et bien exaspérante je dois dire ! Il faut au contraire oser s’écarter, et suivre consciencieusement le chemin le plus long, par les allées extérieures, pour déboucher comme par miracle sur le centre convoité…C’est un jeu, un décors artificiel de jardin, mais la portée symbolique et initiatique de cette expérience sensorielle me touche beaucoup. Une fenêtre vers les Himalayas
Du coup, avec tout ça j’ai loupé mon bus. Cela m’a permis de marcher quelques kilomètres pour aller terminer ma journée au jardin de Brancklin. Encore un clin d’oeil : c’est un jardin célèbre dans le monde botanique pour ses collections de plantes alpines et ….himalayiennes. Je découvre avec admiration l’histoire du couple pionnier qui a créé ce jardin au 19eme siècle, accueillant des collections de graines venues du Tibet, du Bouthan, du Népal pour les acclimater pour la première fois en Occident. Les rhododendrons géants et les pavots bleus sont fanés, mais je profite de belles collections de lys exotiques et de fleurs de rocailles. Je ne verrai pas la montagne cet été…cela ne remplace rien, mais je suis touchée par l’énergie des gentianes bleues, des edelweiss et de tant d’autres vieilles amies retrouvées ici. C’est une bien belle étape de « tourisme de passage » sur ma route vers Findhorn. A suivre…
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1000km sans sourciller, et quelques années en plus. 28 juillet 7h du matin. Me voilà Gare du Nord, dans la queue du départ matinal de l’Eurostar. Je bénis ma cousine Céline pour ses conseils avisés (« il faut venir au moins 1h à l’avance »). Je me retrouve dans la salle d’embarquement, tout aussi froide et impersonnelle qu’un aéroport,avec mon vieux sac à dos bleu délavé. Ce fidèle compagnon d’aventure était tout neuf lorsque je me suis envolée avec lui pour la Nouvelle Zélande en 2004. Un coup de blues passe. Les souvenirs continuent d’affluer comme un vol d’oiseaux. Je revois mon départ pour l’Inde en 2014, le Ladakh que j’ai tant aimé, l’ashram face aux Himalayas, l’intensité et le goût de l’aventure…et le miracle qui m’attendait au retour. En comparaison, le présent et l’avenir semblent bien ternes et gris. Était-ce vraiment une bonne idée de repartir en voyage ? Vais-je restée hantée par la mémoire si colorée de ces souvenirs idéalisés ? A nouveau l’impression d’une étrange boucle temporelle s’impose à moi. Je chasse ces pensées nostalgiques pour accueillir la perspective d’une nouvelle rencontre, d’une nouvelle Lara en Ecosse. Je suis en 2022 et tout a changé. ![]() L’Eurostar démarre. J’ai devant moi 1000 kilomètres de train pour arriver ce soir à Perth. Cela me laisse un peu de temps pour étrenner mon carnet et faire quelques messages aux copines. Les heures s’égrènent, avec une étrange facilité. Je traverse l’Angleterre en pleine grève nationale, comme une fleur ! Changements rapides et fluides à Londres, puis à Edinburgh. Le train est bondé, heureusement que j’ai pu réserver. Je somnole. La campagne anglaise est « brûlée » elle aussi par le soleil, c’est impressionnant : les champs et bords de routes sont jaunes paille. Je vois passer quelques bouleaux desséchés, mais les arbres semblent en meilleur forme qu’en France. Sur le dernier tronçon en arrivant à Perth, nous longeons le bord de mer. Dans une des criques, j’aperçois les museaux joueurs, les yeux ronds et les moustaches d’une famille de phoques qui regarde passer le train. Gare de Perth. Il est 17h, il ne pleut pas , il « bruine ». La contrôleuse du train a tout d’une cheffe de Clan avec sa carrure de bûcheron. Elle me lance un chaleureux « bon voyage ma chère » en Français dans le texte (autant pour mon accent…). Je descends sur le quai désert, surplombé d’un hall de briques et de fer forgé qui semble sorti tout droit de l’univers d’Harry Potter. Je suis arrivée. ![]() The « fair city » of Perth J’avoue, j’ai triché. J’ai lancé une incantation G…..Maps pour contrer tous les sortilèges de confusion et de désorientations. Ce qui est triste, c’est que c’est une incantation paradoxale, qui tue la magie du voyage… Mais c’est tellement efficace : 15 min plus tard je suis dans le jardin de ma chambre d’hôtes, « so British ». Le propriétaire de ces lieux se révèle aussi poli et flegmatique qu’un personnage d’Agatha Christie. Tapis et moquettes dans l’escalier en bois, sonnette pour appeler, tasses de porcelaine, tableaux kitsch, bibelots et coussins brodés de chiens et chats. Je mets de côté tous jugement pour observer cela de l’œil neuf et naïf de la Voyageuse. Après tout, le dépaysement culturel et les mœurs locales peuvent être tout aussi savoureux ici qu’en Inde. ( NB : pour en lire plus au sujet de ces lunettes magiques , cf « États de Voyage Modifiés ») . J’apprécie ma chambre d’hôtes, mais je n’ai pas le coup de coeur pour la ville. Perth, surnommée « the fair city », est auréolée d’une certaine légende historique. Je découvre très vite qu’il s’agit en réalité d’une très petite agglomération de province, qui a du avoir du cachet à une certaine époque, mais qui semble économiquement sinistrée et qui a mal vieillie. Je manque encore de recul, je n’ai pas pu comparer avec d’autres villes du Royaume Uni, mais tout me semble vieillot et un peu désert. Les restaurants sont affreusement chers, les magasins peu attractifs. Je découvre le concept des « magasins de charité » qui ont envahi les quelques rares rues commerçantes du centre. Bon, ce n’est pas grave, je ne suis pas là pour faire du shopping. Je regrette plutôt de ne pas pouvoir découvrir la campagne du « Perthshire ». La région est connue depuis des siècles pour l’abondance de ses forêt et ses arbres remarquables (le nom de Perth vient du terme picte pour forêts). A suivre.. Je viens de traverser le plus intense des voyages intérieurs.
Entre le 21 juin et le 10 juillet, la vie m’offre le cadeau d’un incroyable espace de guérison, à la mesure de la douleur qui l’avait précédé. C’est une bénédiction. J’ai l’impression de revivre. Mais en réalité, je sais bien que je suis encore sous le choc. Je n’arrive vraiment à prendre la mesure de ce qui s’est totalement transformé en moi, sur un certain plan. Il va falloir encore des mois avant de stabiliser (« métaboliser ») ce nouvel équilibre, et lui permettre de devenir concret dans tous les domaines. Un long chemin m’attend encore avant que je puisse retrouver une vie normale et heureuse, en ayant complètement laissé derrière moi mon ancienne relation de couple. Mais je me sens désormais capable d’y arriver ! Ce projet de voyage en Ecosse reste plus que jamais soutenant. En quelques jours, tout s’organise. Voilà mon programme théorique :
Je me sens encore terriblement fragile sur le plan émotionnel, mon genou n’est pas encore remis de l’opération de cet hiver, et j’appréhende de me retrouver un peu trop seule ou isolée pendant ce voyage. Ai-je vraiment fait les bons choix ? Je m’en remets à ma boussole intérieure. Cela fait longtemps que je rêve d’aller en Ecosse …. Et puis cet été va être une atroce canicule sur toute l’Europe, je le sais. Là haut, au moins j’aurais peut être de la fraîcheur. Mais le plus important, c’est ce mouvement du coeur qui m’invite à garder confiance. J’ai compris que rien n’est écrit, tout se crée autour de nous à chaque instant. Je peux voir ce voyage extérieur comme un reflet de mon chemin intérieur de métabolisation. Je me sens curieuse : Quel trésor m’attend là-bas, entre Findhorn et les Highlands ? A suivre … |
Un Oiseau Bleu en Ecosse…En chemin vers moi-même, au cœur de la tempête, j’ai choisi d’aller rencontrer l’Ecosse. Ce pays légendaire me fascinait depuis longtemps. Archives
Août 2022
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